Saut de la Pucelle (Gouffre du)

Rignac (Lot - FR)
44.800870,1.672583
Longueur 2830m Profondeur 160m
Grottocenter / carte

Location

A partir de l'Hospitalet, prendre la direction de Gramat. Après avoir traversé la voix de chemin de fer, continuer sur la D840 toujours en direction de Gramat. Se garer sur la deuxième aire de repos qui se trouve sur votre gauche. La perte se trouve derrière le pré. L'entrée est pointée sur la carte IGN. Il faut traverser un parc d'accrobranche et descendre en empruntant le chemin balisé. Vincent - 19/02/2009

Cette cavité sous convention entre le CDS 46 et le propriétaire M. Estay. La cavité est active et le porche d'entrée peut se noyer. Les panneaux d'avertissement sont installés depuis le 1er mai 2002. BTH - 31/10/2023

Description

Restriction d'accès

Soufflet Benjamin - 26/12/2013

Accès autorisé uniquement aux spéléos fédérés (d'après la plaque visible à l'entrée).

Géologie

CDS 46 - 03/03/2014

Le gouffre perte du Saut de la Pucelle se situe au contact du BAJOCIEN et du TOARCIEN (voir guide géologique régional Aquitaine Orientale par Gèze et Cavaillé, page 83). Le BAJOCIEN est un étage calcaire subhorizontal compact, avec un système de diaclases verticales. Le TOARCIEN est un étage marneux imperméable, qui sert de limite inférieure aux circulations d'eau souterraine.

Documents

Coupe 1 et 2 02/03/2014
Entrée 02/03/2014
Plan 02/03/2014
Coupe 02/03/2014
Saut de la Pucelle 02/03/2014
Bibliography 02/12/2010

Histoire

C'est Delpon en 1831 qui cite pour la première fois "la perte du ruisseau de Rinhac qui suit une direction perpendiculaire à celui de Gramat", c'est-à-dire l'Alzou, "qu'il semble aller joindre lorsqu'il se jette dans un souterrain creusé verticalement". De même, en 1856, l'abbé Paramelle écrit : "Je parvins à reconnaître... que les ruisseaux de Rinhac et de Salgues, après avoir disparu sous terre, vont joindre l'Alzou". En 1880, Lucante l'appelle par son nom et Combarieu, en 1881, cite le "gouffre du Saut de la Pucelle dans lequel disparaît le ruisseau de Rignac". La première exploration que nous en connaissions est celle de Martel, le 11 juillet 1889 : "Le gouffre du Saut de la Pucelle (qui) absorbe le ruisseau de Rignac (...) ne mérite pas une visite. Nous y avons suivi le cours du ruisseau très aisément, et sans même nous mouiller les pieds, pendant 210 mètres (en fait cent trente mètres, c'est-à-dire jusqu'au "1er siphon"), sous une galerie deux fois coudée à angle droit, large et haute de 3 à 6 mètres. Au bout le plafond s'abaisse au niveau de l'eau... qui ressort indubitablement à peu de distance dans la vallée de l'Alzou, soit au moulin de Tournefeuille, soit au moulin du Saut". Il en donne un plan sommaire dans "Les Cévennes". En 1923 (?), un Anglais, Elliot Barton, "a forcé, en plongeant au bout de la grotte, trois petits siphonnements successifs sous des voûtes mouillantes et a renoncé devant un quatrième" (7), probablement ce que nous appelons maintenant le "2ème siphon" (ou "passage de l'Ave Maria"). Ce n'est qu'après la deuxième guerre mondiale que le "Groupe Norbert Casteret" (GNC) de Clermont-Ferrand en entreprend une exploration sérieuse, avec Roger Brillot et André Fregnale : terminus 1945: la "grande marmite" (740m), terminus 1946: le "3ême siphon" (842m), terminus 1947: la "cascade du terminus GNC" (1582m). Ils en ramèneront une topographie et un rapport tous deux inédits, et ce sont eux qui ont donné les noms pittoresques que nous connaissons pour la première partie de la rivière (passage de l'Ave Maria, Bidon V, cascade de Dante, cascade de la Nymphe, ...). Il est amusant de noter que le nom de "Bidon V" a été donné à cette petite plate-forme dominant la rivière parce qu'ils y avaient établi un camp de base... à cinq cents mètres de l'entrée ! Le GNC s'étant dissous en 1948, et Brillot ne donnant plus signe de vie, Henri Roques et Jean Lesur décident, en 1952, de poursuivre les explorations. A l'époque, il s'agissait d'expéditions lourdes : outre échelles, cordes (en chanvre !) et canots, on transportait du matériel de couchage (duvets, matelas pneumatiques, et parfois tentes), des vêtements de rechange en sacs étanches, du ravitaillement (dont pain, boîtes de conserves, soupes, nescafé, etc... et un réchaud), sans oublier les réserves de carbure et, éventuellement, le matériel photo (avec lampes flash magnésiques) et cinéma (avec torches magnésiques, dites "sans filmée", ou lampes flood et batteries). C'est ainsi que le samedi 14 septembre 1952, à dix heures et demie, Henri Roques et Jean Lesur, accompagnés de André Thomas et Jean-Claude Pradelle, pénètrent sous le porche du Saut, avec quatorze "colis" et un canot. A sept heures du soir ils franchissent le "3ème siphon" (842m) et établissent leur camp sur une petite "plage" de galets. Ils se désharnachent et "plantent" la tente assez solidement vu les conditions. Lesur installe son matelas à l'endroit où l'eau passe : "ainsi notre home possède l'eau courante, le gaz (acétylène) et l'électricité (par piles)...". Il gare ses affaires sur une petite corniche concrétionnée. Le réchaud à alcool, par suite de chocs, est hors service : il est remplacé par une boîte à sardines qui constitue un réchaud idéal et rapide, et ils ont bientôt un fameux bouillon (Maggi) de poule au vermicelle, ainsi que sardines, viande, café noir à discrétion et rhum citronné... Le lendemain, départ à midi. Ils dépassent le terminus GNC (1582m) et s'arrêtent à vingt-trois heures trente au sommet d'une coulée stalagmitique qu'ils ne peuvent descendre faute de matériel, à 1835 mètres de l'entrée. Retour au camp du "3ème siphon". Le lendemain le passage des siphons n'a rien de tentant. Roques attaque avec le sac, en fort mauvais état, contenant les boîtes à carbure. Il se courbe et, malgré les précautions qu'il comptait prendre, le sac trempe et l'on entend un glouglou caractéristique ; instinctivement, comme lorsqu'on recharge une lampe de carbure et que, en ayant laissé tomber un morceau, on se hâte d'y mettre le feu pour éviter l'odeur d'acétylène, il baisse son photophore au ras de l'eau... Baoum !! dont les échos se répercutent dans les galeries aval, et dont le souffle les a privés de lumière. Ils rallument, et, voyant que Roques est indemne, tous éclatent de rire. Le fameux sac à moitié pourri, et surnommé "la bombe", leur coûtera bien des efforts, et ce ne sera pas le seul : le sac à échelles rend l'âme petit à petit, à tel point qu'ils font un paquet avec les échelles, fixé par une corde : elles se "dégobilleront" plus ou moins, et à la sortie ce sera un colis d'au moins huit mètres de long ! Sortie le 16 à six heures et demie du matin. La progression, par rapport à la dernière expédition du GNC a été de 250 mètres. A partir de 1953 le Spéléo-Club de Périgueux est associé aux expéditions du Saut. Du 2 au 4 septembre, une équipe d'aménagement composée de M. Assan, Charles Laborie (dit "Oscar"), Pierre Vidal, Jean Vieussens et Henri Roques se charge d'acheminer le matériel jusqu'au camp de base, dans la "galerie des Géants" (1400m). Le 3 septembre, Etienne Carchereux, Gilles Delluc, Jean Lesur, Bernard Pierret et André Thomas pénètrent sous terre à leur tour. Arrivés en haut de la "grande marmite", à 750 mètres de l'entrée, ils aperçoivent en bas une petite lueur : il y a là, sur un canot pneumatique, un type en short et chemisette, un pneu de scooter autour du cou en guise de bouée, une lampe de poche au front fixée par un élastique, une caméra à la main... Étonnement... Présentations... Il s'agit de Jean Taisne, cinéaste amateur, qui, de passage dans la région, ayant eu connaissance de cette rivière souterraine, avait éprouvé le besoin d'en ramener quelques images à l'aide de torches au magnésium... Lesur l'invite aimablement à se joindre à l'expédition, mais il refuse poliment, prétextant son équipement un peu sommaire... C'est ainsi que l'ami Taisne fit connaissance avec la spéléologie, les spéléologues et le Saut de la Pucelle ! L'ayant donc laissé ressortir seul, ils continuent leur chemin, rejoignent les autres à la "galerie des Géants" et les remplacent dans leurs duvets : la première équipe quitte en effet le camp pour revenir en surface, à l'exception de Roques qui, restant avec la deuxième équipe, reprend son sommeil.. Le 4 septembre 1953, réveil vers 9 heures, Tambouille. Roques a dormi vingt-quatre heures ! le matériel est mis dans les sacs et en avant. Première pointe avec topo jusqu'au point 1900m environ. Collation dans une marmite, entre le "Chaudron" et la "cascade de la Pluie", et retour au camp. Le lendemain 5 septembre, le moral est du tonnerre et ils espèrent aller loin... Ils arrivent rapidement au terminus de la veille... Roques et Thomas passent sur une vire inclinée et assez glissante, suivis des autres. On entend un plouf : c'est Carchereux qui est tombé à la renverse dans l'eau... Lesur éclate de rire, ignorant que la prise à laquelle Carchereux se tenait l'a suivi dans sa chute et lui est tombée sur la main. Il ressort de l'eau, monte sur la grève en s'ébrouant, et dit : "Le pire c'est ma main !" : elle est percée et l'on aperçoit le blanc du nerf du majeur ; la blessure saigne peu, et il se tient le poignet de sa main valide : il souffre visiblement et sa main gonfle rapidement. La pharmacie est restée au camp. Delluc fait un pansement au cognac. Que faire ? On propose de le raccompagner au camp où Pierret restera avec lui. Mais il ne veut pas retarder l'expédition dont le tonus descend un peu. Il fait valoir que sa blessure n'est pas grave. L'endroit pour bivouaquer est assez sympa, si l'on peut dire : un grand ovale de quinze mètres, avec "plage" de galets et talus en forme de banc. Finalement ils décident d'abandonner Carchereux et Pierret avec une partie du matériel, pour les alléger, et la bouteille de cognac. Descente de la "cascade de l'Espoir", coulée, recascade. Lesur raconte : "On attache une corde à une petite concrétion qui paraît de bonne qualité, Roques commence la descente : la marmite est sans issue au niveau de l'eau... Serait-ce le siphon ?... Ah..., il y a un passage supérieur, très étroit, très concrétionné, difficile à atteindre malgré l'aide d'un petit pontet rocheux. Roques pousse quatre mètres de reconnaissance dans ce boyau en forme de c.. (c'est le mot qui doit convenir pour une pucelle !), de vulve, et l'on entend vagir le Maître à travers sa barbe : "C'est du tonnerre !". Le passage des trois colis et du canot est peu facile et pose des problèmes d'équilibre : c'est "l'Ogive" ! Cascade, galerie rectiligne sur à peu près deux cent cinquante mètres, étroits, et nous nous arrêtons à un élargissement où se trouve un bloc horizontal, de forme parallélépipèdique, qui va nous servir de table. C'est le "bivouac de la Pluie". Enfin, si les deux premières voûtes mouillantes ne présentent plus maintenant aucune difficulté, c'est parce qu'ils en ont abaissé le niveau des plans d'eau à coups de burin... Des marmites se succèdent : dans l'une, profonde de cinquante centimètres, encore une anguille : à coups de pieds on l'empêche plusieurs fois de passer dans la marmite suivante plus profonde et plus large : on bouche l'échappement de la marmite avec un sac de matériel. Thomas, spécialiste en la matière, pense l'attraper à la main nue ! Tout le monde veut s'y mettre, on piétine, on se bouscule, on s'engueule... Quel dommage qu'un autre lascar n'ait pu filmer cette lutte homérique... J'essaye avec un mouchoir, sans plus de succès ; enfin le Maître a une idée digne de son profond génie. la faire rentrer dans le sac tyrolien qui contient les échelles de pointe. La capture fut assez rapide, mais une fois mélangée avec les échelles au milieu desquelles elle se contorsionnait, il fallait la tuer, et ce fut encore un autre épisode que celui de lui écraser la tête avec une pince universelle, en visant à travers les échelles !" CDS 46 - 02/03/2014

Marmites, dénivellations, coulées, passage étroit sous une coulée : Roques et Lesur passent allongés sur leurs coudes, faisant des efforts pour ne pas se mouiller la poitrine. Une fois passés, ils se retournent, pour voir (apparition qui clans l'instantané leur semble surnaturelle)... Thomas et Delluc déboucher d'un passage légèrement supérieur, large comme une armoire à glace, un peu caché par la draperie, et qui, dans leur fièvre d'avancer, leur avait échappé ! La rivière se perd dans un joint de stratification. La galerie remonte en pente argileuse, c'est la "conduite forcée". La rivière est retrouvée, de nouveau des marmites, puis marche rapide et cascade de six mètres environ en deux gradins : rien pour amarrer l'échelle qui reste. Le retour est décidé, avec la topo très rapidement mais aussi très soigneusement exécutée : Roques à la planchette, Thomas et Lesur, décamétrage, visées l'un sur l'autre, sondages : trois sahibs et le sherpa, Delluc, qui a chargé les trois sacs sur son dos, Dieu sait comment... Au "bivouac de la Pluie", collation à la lueur d'une lampe agonisante. Roques et Thomas poussent un petit roupillon. Delluc est affalé sur le sac tyrolien contenant le carbure. Quant à Lesur, il "caille" debout à supplier Delluc (avec peu de conviction, car il est aussi dans un passage à vide) de lui donner du carbure, avec l'intonation de l'Espagnol qui demandait à boire au père de Victor Hugo, (ce zéro au sourire etc...) Il lui expose, d'un ton abruti par le désir incoercible de dormir, Cascade de l'Ogive que sa lampe va bientôt expirer, que d'une fausse manoeuvre dans l'obscurité on peut "foutre" la réserve à l'eau, être asphyxiés et bloqués sans lumière... "Donne lui-le carbure" marmonnent les deux autres que, dans leur demi sommeil, ses litanies obsèdent... Ils rejoignent assez rapidement Carchereux et Pierret. Leur moral est bon. Il y a dix-sept heures qu'ils attendent sur la "grève des Pas perdus". Ils ont écouté passer les trains et en précisent les heures à Roques. Ils ont lampé le cognac, on s'y attendait un peu ! Ils ont tourné en rond sur leur île, cassé la croûte et attrapé quelques bestioles ainsi que trois ou quatre crevettes troglobies... mais qu'est-ce-que c'est à côté de la valeur marchande de l'anguille... ! Ils boivent un nescafé, remballent, et continuent la topo parfaitement en forme. Carchereux ne souffre pas trop de sa main enflée, et même il aide plus que sa part au déménagement. Il semble que le débit de l'eau augmente. Un peu avant la "coulée 52", c'est une certitude : l'eau suit un rebroussement de strates alors qu'elle tombait directement en surface. La topo est finie. Il a dû pleuvoir dehors : Lesur est pour un repli stratégique sans dormir au camp. Le retour au camp est rapide, l'emballage et la tambouille itou, et la retraite commence. Des coulées qui étaient sèches à l'aller débitent maintenant... Les coups de pompe recommencent. A "Bidon V", collation, nescafé. Roques arrive à dormir debout cinq minutes contre le canot retourné ! Ils achèvent l'alcool à brûler en se chauffant le dos : cela fait du bien, mais pas pour longtemps. Le portage reprend : c'est long. Au deuxième voyage on retrouve Thomas et Roques qui dorment dans la grande salle, à même le sol. On les réveille pour le troisième et dernier voyage. Une fois débarqué au "ler siphon", chacun prend une bonne charge et titube vers la sortie. Il est environ neuf heures du matin : la retraite du camp a duré douze heures avec tout le matériel, après une pointe de plus de vingt heures, ce n'est pas mal. Il fait un soleil magnifique, pas un nuage, et le Causse est sec comme de la cendre. Le premier individu qui passe leur affirme qu'il n'a pas plu durant ces quatre jours. Le mystère est complet... Il sera bientôt éclairci : on a vidé, pour le curer, l'étang de Mordesson, origine du ruisseau de Rignac et de la rivière souterraine... Il y a peut-être cinquante ans que cet étang vaseux n'a pas été vidangé, et il faut qu'ils soient dans le trou pour qu'on le fasse ! Le bilan de l'expédition se soldait par une anguille, une écrevisse, quatre crevettes, quelques bestioles, une topo et une moisson d'observations scientifiques contenues dans six bouteilles pharmaceutiques genre eau oxygénée. L'expédition de 1954, qui, espérait-on, devait être la bonne, avait été minutieusement préparée - documents adressés plusieurs mois avant aux participants, comportant diagrammes, listes d'équipements, conseils variés, adresses de fournisseurs, etc... - ravitaillement bien étudié (prévoyant que les étiquettes des boîtes de conserves se décolleraient, on les avait marquées à la peinture : par exemple, devinez ce que contenait une boîte marquée d'un "B" ?... évidemment ce ne pouvait être que de la... bidoche !) - conditionnement du carbure très au point, dans des vieux bidons d'huile de deux litres : un bidon rempli aux deux tiers (il avait fallu auparavant concasser le carbure en petits morceaux !) et fermé hermétiquement pouvait flotter et permettait la recharge de quatres calbombes (seulement il fallait un ouvre-boîte pour en sortir le carbure) - container fabriqué spécialement (et flottant lui-aussi) pour les projecteurs, les lampes de rechange et les câbles destinés aux cinéastes, etc., etc. Malgré une première quinzaine d'août marquée par des pluies incessantes et de gros orages, l'expédition démarre le 18 août : en une première séance on amène les vingt-quatre sacs d'impedimenta à la "Nymphe". Le 19, à seize heures, la première équipe, composée de André Thomas, Jean Vieussens, Pierre Vidal et Otto Steiner, rejoint en vingt-huit heures le camp de base, à la "galerie des Dalles" (1800m), avec les vingt-quatre sacs, et s'y installe pour un repos bien mérité. Le 20, vers midi, c'est au tour de la deuxième équipe : Gilles Delluc, Pierre Saumande et Jean Taisne formant l'équipe photo-ciné, et André Delpy, Jacques Dubois et Henri Roques l'équipe topo. Au "3ème siphon", premier incident : un appareil photo tombe à l'eau. Saumande et Roques font un rapide aller et retour en surface pour en récupérer un autre, tandis que les autres prennent leur temps pour tourner quelques séquences de film : passage du "3ème siphon", descente de la "Nymphe". A partir de là il faudra "traîner" Dubois, victime de claustrophobie... Mais laissons parler Henri Roques (8) : "On rattrape les quatre autres vers la "Nymphe" et l'équipe au complet s'achemine vers le camp de base. Entre temps l'équipe de surface a coloré la perte avec cinq cents grammes de fluo. Vers minuit on atteint la "cascade des marmites". Depuis quelque temps il est évident qu'une crue se prépare. A cet endroit, cela ne fait aucun doute, le débit atteint cent litres/seconde environ. On est obligé de chercher un passage par le haut. D'instant en instant le niveau monte et les affluents, aux coulées, se mettent à débiter à un rythme effrayant (jusqu'à vingt litres/seconde). Un bateau emporté par le courant se bloque dans le fond de la cascade. Tandis qu'en haut Delpy et Taisne essayent de faire un barrage, j'arrive à le remonter, mais une trombe d'eau m'arrache le bec à acétylène et cisaille le taraudage : ceci pour te montrer la force de la flotte. Nous sommes restés trois heures à ce passage, assourdis par un vacarme épouvantable. Durant ce temps, le niveau de l'eau est passé, dans le canal d'amenée du haut, de dix à vingt centimètres. La crue, qui passera pendant deux heures, achèvera de rendre le spectacle de ces lieux digne de l'apocalypse. Nous sommes au camp de base vers trois heures du matin. Le niveau monte encore. La première équipe s'apprête à partir. Le diagramme théorique prévoit une pointe de trente-six heures. Vu les circonstances, cela me semble pour le moins dangereux, mais le moral de cette équipe est du tonnerre, et de toutes façons il faut qu'ils laissent les duvets à la deuxième équipe qui a besoin de repos. On décide donc qu'ils commenceront par aller reconnaître le "tunnel" où nous craignons une mise en charge. L'état de ce passage décidera de la suite. Deux heures plus tard ils sont de retour : il y a encore dix centimètres de libre sous le "tunnel". L'eau monte encore. On décide donc une pointe de douze heures si l'état de la "conduite forcée" n'est pas alarmant ; de plus, la première équipe laissera les passages aménagés si le terminus est atteint moins de quatre heures après le point 2731m, désaménagera dans le cas contraire, la pointe de la deuxième équipe étant alors annulée. La première équipe démarre à neuf heures du matin. Elle est de retour vers une heure et demie : les passages bas ont été franchis avec juste la tête hors de l'eau ; la "cascade de l'Espoir" les a arrêtés, le débit, évalué par Thomas à un demi mètre cube/seconde, empêchant toute remontée. Dans ces conditions, on décide le retour des deux équipes ensemble. Le niveau commence à baisser légèrement, mais reste encore très important. Départ du camp à huit heures du soir. L'eau a baissé de dix centimètres aux strates depuis une heure et demie. Remontée très pénible après la"Nymphe" : ça n'avance plus. Il reste quatre types solides, les autres sont morts de fatigue. Finalement on doit abandonner les colis après passage du "3ème siphon". On constate d'ailleurs qu'il a été amorcé durant la crue, et il est encore très haut. Retour en surface le dimanche vers quatre heures et demie de l'après-midi. Le "1er siphon" a lui aussi été à quatre ou cinq centimètres de s'amorcer. Bref nous avons eu chaud ! Vers cinq heures deux policiers à moto arrivent et nous apprennent qu'un type vient de tomber dans le gouffre de Gibert. On y va immédiatement. Le type (9) est salement amoché : fractures ouvertes au coude et au genou gauche, fracture du bassin, cage thoracique enfoncée, rate éclatée... Ce n'est qu'à minuit que le blessé est remonté, grâce à une grue et aux projecteurs que les pompiers ont installés. Il meurt à son arrivée à l'hôpital. Inutile de te dire que sur le coup d'une heure du matin on ne tient pas la grande forme ! Le mardi on va récupérer les colis au "3ème siphon". L'eau qui avait baissé au moment de notre sortie est remontée depuis : il faut travailler le 1er et le 2ème siphons pour passer. Remontée en cinq heures. A la sortie il manque trois colis." Le terminus 1953 n'avait donc même pas été atteint. Cependant du point de vue hydrologique de fort intéressantes observations avaient été faites. Enfin deux films en couleurs avaient été tournés par Delluc et Taisne. En juillet 1955, la leçon est tirée des années précédentes, et c'est une expédition légère et rapide qui est organisée. Y participent Etienne Carchereux, Gilles Delluc, Jean Lesur, Henri Roques, Pierre Saumande et André Thomas. Le terminus 1953, la "cascade du Découragement" (2731m), est atteint en neuf heures. Avec de l'eau jusqu'à la ceinture, relayé par Roques, Lesur ébrèche un rocher qui permettra d'amarrer la corde et l'échelle. Comme il est prudent que quelqu'un surveille l'amarrage et bouche la cascade qui est particulièrement abondante, Lesur décide de tirer à la courte-paille (stalactite?) et... il tombe sur la mauvaise... fair-play... Les autres partent. Une demi-heure plus tard Thomas, de retour, lui annonce que le Saut est terminé à soixante-dix mètres de là... Il vient le remplacer. Lesur descend : transbordement en bateau, débarquement, diaclase, échappement, varappe, bief peu profond, chaos qu'il passe par en-dessous, bloc à cassure fraîche et gréseuse, plage de cailloux et magnifique siphon : pendage de strates à quarante-cinq degrés (10). Topo, photos Saumande, chocovo... Pendant ce temps Thomas, sans lumière, s'emmerdait... Au retour, incident à la "Nymphe" : Saumande, au milieu de l'échelle, fait passer les colis à Thomas, mais l'eau s'accumule derrière le barrage de sacs. Saumande monte, mais n'arrive pas à se rétablir sur le sac, car il n'y a en haut qu'une étroite margelle sur le bord d'une profonde marmite. Thomas, d'une main, essaie de retenir le sac que l'eau menace d'emporter, et, de l'autre, essaie d'attraper Saumande par la ceinture. Lesur se demande que faire... Grimper pour pousser Saumande ?... Mais si l'eau pousse homme et sac ?... Il se contente de pousser le premier bateau avec le second contre la paroi, et s'attend au déluge... Thomas enfin arrive à attraper Saumande par la ceinture, l'eau déborde et tambourine sur le bateau. Saumande est à plat ventre sur le sac. Thomas tire. Saumande qui ne veut pas plonger la tête sous l'eau rame tant qu'il peut. Enfin il arrive à se rétablir. Sortie exactement vingt-quatre heures après l'entrée. Belle performance et belle expédition, bien que le gain ne soit que de soixante-dix mètres. En septembre, une seconde expédition, conduite par Henri Roques et Jean Lesur, permettra à ceux qui n'avaient pu être là en juillet, de voir enfin le siphon terminal (Marie-Claude Ferres, Robert Méthou, Philippe Renault, Otto Steiner, Jean Taisne, Pierre Vidal). En juin 1980, tous les anciens du Saut (pratiquant encore la spéléo ou non, ainsi que les sympathisants), tout au moins ceux dont les adresses avaient pu être retrouvées, reçurent une circulaire qui débutait ainsi : IL Y A 25 ANS LA PUCELLE ETAIT V...AINCUE ! Pour célébrer dignement ce glorieux anniversaire, vous êtes conviés, ainsi que vos familles, à participer au 1er COLLOQUE NATIONAL sur LE PH DES EAUX DU SAUT COMPARÉ A CELUI DU VIN DE CAHORS GRAMAT 23-24 AOUT 1980 Plus de soixante participants (dont treize des "explorateurs" précédemment cités) se retrouvèrent à cette joyeuse réunion qui comporta banquets, discours, projections de photos et films, etc... , sans oublier une excursion au Saut, car "UNE PROMENADE AU SAUT NE SAURAIT ETRE QU'HYGIENIQUE !" CDS 46 - 03/03/2014

Commentaires

Trés belle description dans le Spéléo n°22 avril/juin 96.

Vincent (31/07/2008)

Accès règlementé (rappel)

Cavité sous convention entre le CDS 46 et le propriétaire M. Estay. La cavité est active et le porche d'entrée peut se noyer. Les panneaux d'avertissement sont installés depuis le 1er mai 2002.

Frédéric Urien (01/07/2013)

Cavités proche

Distance (km)NomLongueur (m)Profondeur (m)
0.9Moulin de Tournefeuille (Émergence du)236
1.1Gorf (Grotte)
1.2Moulin du Saut n°2 (Grotte amont du)7523
2.0Mude (Igue de la)25075
2.0Merle (Entrée inférieure de)
2.4Gibert n°2 (Igue de)21460
2.6Roc Fraucat n°3 (Grotte de)5010
2.8Réveillon (Gouffre de)2600110
2.8Biau (Igue de)14080