Bordes de Crue (Grotte de)

Seix (Ariège - FR)
42.814386,1.138130
Longueur 1500m Profondeur 243m
Grottocenter / carte

Location

Le plus difficile reste souvent d’atteindre la grotte. Une fois dans la vallée d’Estours, il faut remonter en voiture au plus loin, puis suivre le GR à pied en remontant le fond de vallée. On poursuit tranquillement jusqu’aux granges de Bordes de crue d’où l’on aperçoit clairement le porche. En dépassant la grange, on remarque peu après un petit pont en bois sur le ruisseau. Il permet de passer en rive gauche. Dans le pré qui fait suite au pont, prendre à gauche d’une ruine tout droit dans un sous-bois clairsemé, jusqu’à trouver une sente vers la droite qui remonte à travers les buis le vallon de Bordes en rive droite. Le cheminement est assez délicat et il faut tenter de ne pas perdre les traces, passer dans une petite baume le long de la falaise jusqu’à remonter très raide dans le vallon. La grotte s’atteint par une traversée et une escalade qu’il faut équiper. Florence Guillot - 14/05/2014

Description

Description générale

Florence Guillot - 14/05/2014

La progression commence par une séries d’escalades faciles sur un très joli calcaire marmorisé. On traverse la charnière du pli : passage de toute beauté. La galerie devient ensuite plus chaotique et l’on aboutit au pied d’une petite escalade de 3 mètres. Quelques dizaines de mètres après, on sort de la trémie dans une galerie ascendante plus spacieuse et dont le sol est encombré de blocs calcités. On peut alors s’insinuer entre la trémie sous-jacente à la salle pour arriver facilement à la rivière, mais ce passage peut être noyé. Si au contraire, on monte tout en haut de la salle jusqu'à une chatière élargie dans les années 1970 et où souffle un courant d’air notable, on peut descendre un puits d’un vingtaine de mètres dans le plafond de la rivière un peu plus à l’aval que le cheminement précédent. Le rivière débute par une progression facile. On franchit quelques petites cascades, dont certaines nécessite des équipements ; puis une vasque dont le franchissement est un peu acrobatique, permet de prendre pied en face d’une belle cascade de 10 mètres qui se shunte par la rive droite suivant une grande main courante. Au bout de celle-ci, de retour dans le fond de la rivière, on passe le plus vite possible sous un bel affluent qui tombe de la rive droite en arrosant la rive gauche. Celui-ci a été escaladé, il y a une trentaine d’années, sur une centaine de mètres de dénivelé, jusqu’à un rétrécissement aquatique. On poursuit quelques temps le long du cours d’eau jusqu’à buter sur une grosse trémie qui ne peut se franchir par le fond qu’en très basse eaux et encore pas facilement. Mais en montant et en louvoyant dans la trémie, on peut gagner quelques dizaines de mètres et redescendre de l’autre côté au pied d’une splendide cascade de 30 mètres . En haut de celle-ci on prend pied dans la salle Delors, au pied de la cascade éponyme. Cette cataracte est certainement la plus grandiose de la cavité et on ne manque pas d’avoir une pensée admirative pour les premiers explorateurs qui la franchirent. On poursuit par la rivière en évitant des biefs profonds par de petites escalades faciles jusqu’au premier siphon. Peu avant le siphon, une galerie fossile démarre en rive droite. Elle donne accès à un vaste fossile très chaotique et parfois concrétionné, mais aussi au niveau inférieur, à une trémie dans laquelle un cheminement complexe permet de shunter le siphon. Au delà de la trémie, la galerie s’élargit jusqu'à un carrefour bien quadrangulaire. A gauche et en dessous se situe un regard sur la rivière : siphons amont et aval. En face, peu après le carrefour, s’ouvre dans le sol calcité d’une dépression, une étroiture fort désagréable (eau froide, courant d’air violent, longueur du conduit vraiment étroit) qui conduit au-delà du second siphon. La grotte se poursuit alors en suivant la rivière où le fossile juste au-dessus jusqu’à une trémie, malheureux terminus actuel des explorations.

Le karst de Bordes de Crues

Florence Guillot - 14/05/2014

Sur le chemin d’accès à la grotte, on longe une prairie au centre de laquelle est donc bâtie une bergerie en pierre sèches : c’est la « borde de Crues », aux murs de marbre vert et noir. Cette borde, jusqu’à ce qu’elle soit restaurée et fermée en 2000, a souvent abrité les camps des explorateurs. Les spéléos scrutent de là l’entrée de la grotte, rectangulaire et noire dans la falaise, parfois écumante et monstrueuse, lorsque ses redoutables crues s’élancent dans les 60 m des toboggans souterrains. Le débit de la rivière souterraine sort à l’étiage par la source en contrebas et peut s’estimer dans les grandes cascades pérennes que l’on voit depuis la borde, 300 m au dessus, vers l’ouest. Le marbre d’Estours, dont on voit aussi des blocs de marbrerie abandonnés sur le chemin, est une belle roche sombre, formée de nodules verts bouteilles de 3 cm entourés de veines noires, plus saillantes en général. C’est la principale roche karstique du Mont Valier (2838m), si l’on met de côté les très nombreux affleurements de calcaire gris à crinoïdes dévonien d’étage praguien, qui ont un intérêt karstique à quelques kilomètres au sud Le marbre d’Estours, marbre à griottes (les «cerises» seraient vertes ici) dévonien d’étage fammenien4 se voit dans la grotte et en divers affleurements où il était exploité. La strate surmontant le marbre d’Estours est un autre marbre, blanc avec des veines sombres : le calcaire carbonifère d’étage dinantien5. Il est bien karstifié. Il contraste avec le marbre sombre en plusieurs endroits comme les falaises claires surmontant le porche d’entrée et les toboggans d’entrée. Sont figurées ces deux roches karstiques en marron sur le schéma d’interprétation de la carte géologique (d’après la carte Aulus 1/50 000) . On voit que ces roches sont de faible épaisseur, très plissées et métamorphisées par l’enfouissement sous des chevauchements dans la compression hercynienne (- 300 Ma). Ceci justifie la complexité de leur affleurement, le tout haché de nombreuses failles (Photo et schéma d’interprétation). Les deux roches karstiques forment deux synclinaux successifs de taille différente, d’axe ouest-est (WNW- ESE) que j’appellerai S1 pour le petit synclinal sud et S2 pour le grand synclinal nord, chacun encadré par des anticlinaux (nommés A1, A2 et A3 : voir la coupe géologique sud-nord). L’exurgence de Bordes de Crues jaillit près de la gouttière synclinale du petit synclinal S1, au niveau d’une faille verticale WNW- ESE (direction pyrénéenne) qui semble diriger tout son tracé souterrain quasi rectiligne. Le bassin d’alimentation s’étend à l’ouest de la résurgence, incluant les pertes de l’immense doline des Clots (1671m), les dolines des Clots de Gariès avec leurs puits glacières, les crêtes culminant au dessus de 2300m et vraisemblablement des eaux capturées derrière les crêtes, à l’ouest, dans le secteur de la grotte des Espugues (2120m). Potentiel karstique : 1200m. La rivière souterraine est une des splendeurs souterraine de l’Ariège, y compris dans sa zone de l’amont actuel. Les marbres y sont jolis, même s’il ne sont pas polis. En effet, les veines noires du marbre à griottes dépassent en général, formant un antidérapant sous la botte. Ces veines étant faiblement carbonatées, la dissolution les épargne plus que les nodules. Comme elles cassent sous la pression ou les chocs abrasifs, elles laissent en d’autres lieux les nodules verts bouteille plus saillants quand les impacts du sable surpassent la dissolution. Le bilan de l’érosion différentielle est variable le long de la rivière selon comment l’érosion s’exerce sur ces deux minéraux issus des recristallisations métamorphiques. Le métamorphisme hercynien a mis en place des minéraux originaux, non étudiés à Bordes de Crues, dont un exemple original, situé près du fond, est une stalagmite rouge dont la richesse en hématite est supposée responsable de sa texture et son intense pigmentation, comparables à celles du rouge à lèvre.

Histoire

La grotte est connue de tous temps par les hommes de ces vallées car elle est clairement visible. La grotte est aujourd’hui nommée du nom de la borde (grange d’été) sous-jacente, mais on peut supposer que la grange elle-même doit son nom à la grotte et à ses crues spectaculaires, en coups de canons à travers les porches supérieurs. Les spéléologues commencèrent à s’y intéresser très tôt. La difficulté de l’accès, le caractère ascendant de la cavité et le risque de crue ont considérablement ralenti les différentes explorations. Rapidement, la réputation de cette cavité montagnarde se répand et un grand nombre de spéléos y ont traîné leurs bottes, particulièrement dans les années 65 à 85. Beaucoup n’y réalisèrent pas d’exploration, éprouvant déjà certaines difficultés à atteindre le fond. Mais d’autres eurent plus de chance et leurs noms sont bien trop nombreux pour être tous cités ici. Que les absents nous pardonnent, nous ne disposons pas d’une source d’information complète en l’absence de publications régulières… beaucoup sont aujourd’hui oubliés. Une première exploration semble avoir eu lieu en octobre 1963 (BOU CL., DALEY B. et DELORT J.) et la rivière est atteinte en novembre de la même année (BOU Cl., BOUILLON M. et P., DELAY B., DELORT J. et ROUEDE B.). En même temps les explorateurs commencent à prospecter sur le massif. Les découvertes progressent lentement et les équipes s’étoffent. Une topographie est levée au début des années 70 et l’affluent et la fameuse cascade DELORS sont escaladés en 1971. La plongée du siphon terminal est tentée, mais sans grand résultat. Parmi les nombreux explorateurs, il faut souligner les familles DELORT, BOUILLON, DELAY, MASSIOT et VAUMORON, André BERNARD, les S.C. de Touraine, de Flandres et du Couserans. Puis, dans les années 80, le Groupe Spéléo du Couserans s’oriente vers la prospection du massif et l’exploration des gouffres supérieurs. Tandis que d’autres explorations ont lieu dans la grotte de Bordes de Crue, mais ne dépassent jamais le terminus des anciens. Au début, des années 90, la Société Spéléo Ariège Pays d’Olmes commence à regrouper des explorations nouvelles sur cette grotte. D’abord entièrement rééquipée, elle est aussi retopographiée, puis le siphon terminal est shunté. La galerie fossile livre un nouveau siphon, à nouveau court-circuité. Mais au-delà, la galerie plus réduite butte sur une trémie qui laisse peu d’espoir aux explorations futures. Florence Guillot - 14/05/2014

Cavités proche

Distance (km)NomLongueur (m)Profondeur (m)
4.8Espugues n°2 (Grotte d')
5.1Espugues n°1 (Grotte d')20040
5.2Espugues n°3 (Gouffre des) [ES3]800137
5.9Eychelle (Puits d')1716
6.9Portanech d'Aurenère (Gouffre du)
8.1Pylône (Gouffre du)705201
8.3Lée (Grotte de la)205
11.1Obaga de Baleran (Cigalera de l')900320
11.1Barranc de Cireres (Pérdua del)4026